Le musicien - chronique Imagin'encre
Chroniques, Littératures de l'imaginaire

📚⎜Le Musicien – A. Blangier

La musique envoûtante s’élève du coeur
Puissante d’amour et de rancoeur
Sombres secrets, sublime noirceur

Livre’jour à tous,

Le joueur de flûte de Hamelin a toujours été l’un de mes contes préférés ! J’ai apprécié le message autour de la parole donnée, tremblé de l’injustice dont le musicien est victime, puis j’ai grandi et j’en ai apprécié la noirceur et la violence vengeresse.
J’ai ouvert Le Musicien sans savoir à quoi m’attendre. Je savais qu’il s’agissait d’une réécriture de ce conte et que la couverture était splendide !
Je ne savais pas à quoi m’attendre et j’ai été fascinée par ma lecture ! Conquise ! Un véritable coup de coeur : puissant, émouvant, en nuances de gris, de souffrances et d’amours !

Le Musicien_Couv

Le Musicien


Plume : Annabelle Blangier (site

Édition : Magic Mirror Édition (site

Pinceau : Mina M. (site)

Résumé

Village tranquille et sans histoire, Hamelin se dresse au bout du chemin, vers la falaise et la mer. Un bonheur de quiétude où la vie est agréable. Lore n’a jamais quitté cette ville où elle est née. Élevée par ses grands-parents depuis sa plus tendre enfance, la jeune fille souffre de l’aversion de son grand-père pour la musique.
Il arrive un jour en ville un jeune musicien au grand talent. Ses instruments racontent et subliment les émotions, sa beauté intrigue, sa curiosité interroge.
Petit à petit, sa présence remue un passé inavoué. Inavouable. La noirceur surgit au détour des coeurs tandis que les sentiments s’exacerbent effroyablement.

Concentrée sur les moindres faits et gestes du musicien, Lore ne releva pas le ton moqueur de son amie. Les invités continuaient de se répandre dans la grande salle, qui se remplissait de plus en plus. Le bruit des conversation, des pas sur le marbre et du froissement des robes envahit la pièce. On se saluait, on se complimentait, on riait. Personne ne prêtait attention au musicien qui se préparait à jouer. Raffael leva la tête et parcourut la pièce du regard. Lorsqu’il croisa celui de Lore, il esquissa un sourire. Venait-il de la chercher des yeux ? Le musicien tourna la tête et son regard sembla se fixer sur un point devant lui, que lui seul pouvait voir. Il se mit à jouer. Les doigts de l’étranger coururent sur les cordes fines et le regard de Lore s’élargit d’émerveillement. Les gestes du musicien étaient aussi légers que des papillons. Et la mélodie qu’il tirait de ses doigts étaient divine. L’ai n’était pas particulièrement joyeux, mais pas vraiment triste non plus. C’était comme une ballade, entraînante et qui vous faisait vous balancer sur vous-même sans en avoir conscience.
Raffael ne semblait pas particulièrement faire d’effort pour être entendu, et pourtant la mélodie qu’il jouait envahit sans peine la salle, résonnant contre les murs. Quelques-uns des invités commencèrent à tourner la tête vers lui avec curiosité. Lore était sous le charme. Elle n’aurait jamais pensé qu’une simple guitare puisse livrer une musique aussi élaborée et complexe. Raffael jouait avec une telle dextérité, un tel sens du rythme. Ses doigts bougeaient d’une manière presque surnaturelle sur le manche de l’instrument. Soudain, le rythme de la musique accéléra. Raffael frappa un peu plus fort les cordes, jouant un air guilleret qui provoqua quelques exclamations approbatrices parmi l’assistance. Le musicien, qui avait baissé les yeux sur sa guitare, ne sembla pas remarquer les réactions de son public.

Mon avis

Le musicien chronique Imagin'encre

Un livre envoûtant qui m’a cueillie au creux du coeur, retournée les pensées et embrouillée les émotions ! Une histoire qui s’écoule irrésistiblement vers le bord de la falaise. Une plume qui m’a entraînée, implacable et enchanteresse, jusqu’à ce précipice vertigineux. Un roman poétique et dérangeant, puissant et sensible, sublime de noirceur et touchant d’humanité.

Au fil des pages, j’ai pénétré dans un autre univers, transportée par l’adresse de la plume et la fraîcheur de Lore. J’ai arpenté les rues et les maisons, rencontré les personnages, découvert les secrets enfouis sous des mensonges oubliés. J’ai découvert Hamelin et ses environs. J’ai eu la gorge nouée par la rage, l’empathie, la pitié, l’incompréhension et l’horreur. J’ai dégusté certains passages et enduré certains autres. J’ai savouré la poésie et la musique. J’ai vécu avec ces personnages et l’intensité de leurs émotions.

Dès la première page, j’ai senti que l’arrivée de cet étranger allait bouleverser la quiétude de Hamelin. Et de fait, la façade merveilleuse du village se fissure rapidement. Trop de secrets et de mystères sont suggérées. Trop de rancoeurs et mésententes transparaissent avec discrétion des conversations (ou de l’absence de conversation).
En nourrissant la passion de Lore pour la musique, en étant la nouveauté au sein de l’immuable Raffael, le musicien, vient bouleverser l’ordre en place. Les tensions s’exacerbent, les conflits éclatent, la violence s’enflamme, la vengeance se déchaîne. Les ravages ébranlent la ville, remuent les souvenirs et bouleversent les certitudes.

L’intrigue se met en place progressivement, en douceur. C’est une immersion dans le village et ces journées de bouleversements. Les lieux se dévoilent, se racontent, tandis que des secrets minutieusement enfouis ressurgissent. Inéluctablement, les éléments commencent à se répondre et à s’éclairer (ou s’assombrir) mutuellement…
Insaisissables au premier abord, les personnages se laissent peu à peu approcher. J’ai appris à connaître Lore et Raffael à mesure qu’un lien se tisse entre eux. Un lien étrange, qui résonne, sonne et dissone. Musical. Un lien qui se joue de note en note, qui prend sens dans et par la musique qui les lie.
Les personnages secondaires gagnent également en densité et en nuances au fil des chapitres, des révélations et des secrets. J’ai apprécié d’être également confronté à leurs doutes, dilemmes et difficultés. Les répercussions de la présence de Raffael touchent l’ensemble des habitants et j’ai trouvé cette pluralité de points de vue extrêmement intéressante, pertinente et enrichissante pour l’histoire.

La plume d’Annabelle Blangier m’a saisie et entraînée dans l’intrigue. Elle peint la noirceur, l’amour, l’amitié, raconte avec poésie, simplicité et complexité, chante la beauté, la vengeance et l’horreur avec douceur et sensibilité.
Certains passages aux limites de la moralité viennent interroger la noirceur qui teinte les pensées et les émotions, d’autres sont un hymne d’amour et d’espoir chatoyants et frais. La plume entrelace ces émotions opposées pour donner à ressentir l’ambivalence intrinsèque du conte d’origine.

J’ai également adoré l’objet livre !
La couverture est sublime ! Elle suggère l’ambivalence, murmure certains mystères et prend tout son sens à l’issue de la lecture !
La lecture est très agréable : la mise en page est travaillée et aérée. J’ai beaucoup apprécié de pouvoir (re)lire le conte originel après avoir achevé cette réécriture.

Le mot de la fin

Ce roman m’a envoûté ! Noirceur et douceur s’entrelacent et résonnent dans une symphonie sublime de vengeance et d’amour. Sincérité, sensibilité, frissons de merveilleux et caresses de musiques se répondent et se renforcent de pages en pages.
Un coup de coeur que je n’attendais pas, qui s’est installé avec une subtilité superbe et insidieuse, qui m’a ravie, chamboulée, tourmentée, qui m’a immergée dans ses méandres, abysses et envols.

Quel est votre dernier coup de coeur ?

À bientôt,
Marine

Cette lecture s’inscrit également dans le Printemps de l’Imaginaire Francophone (clic).
Il valide les défis suivants : Au pays des mères, Les petites étoiles brillent aussi, Serpentine et Nouveaux horizons.

Image d’en-tête réalisée avec Canva.