Solitude et Indépendance sont mes meilleures amies…
Surtout Indépendance…
Il pleut, comme souvent à Lijzot, la capitale de Manira.
Les rues sont à moitié pleines, nous sommes habitués à la pluie, sur l’île.
Depuis que le QG a été découvert par la milice, il y a deux semaines, la bande ne s’est pas vraiment réunie. Chacun oeuvre de son côté.
Je me suis installée à la gare. Il y a d’autres jeunes comme moi, sans logement, qui utilisent l’espace disponible. La milice connait l’endroit, mais s’en fiche.
Ils me manquent. Cela fait si longtemps que je ne suis pas restée seule…
Le mot d’Alizur a été comme une délivrance : Elroy a trouvé un nouveau QG, je vais retrouver ma maison et ma famille !
Alizur m’a donné rendez-vous au sommet d’une tour du centre ville.
La vue est absolument sublime d’en haut, mais je préfère le sol. Quand je monte, j’ai peur de tomber…
La ville scintille encore sous mes pieds tandis que j’attends Alizur.
– Je ne pensais pas que tu serais en avance.
Il a surgi de nulle part.
– J’ai encore du mal avec les hauteurs, je ne voulais pas être en retard.
– Tu m’avais dit que tu avais une solution.
– Oui.
– Pourquoi tu m’as menti ?
– La gare, c’est…
– La gare, c’est rien du tout ! Ce jour-là, je t’ai dit que tu pourrais compter sur nous, sur moi. Mais on ne peut rien faire si tu ne dis rien !
L’émotion monte d’un coup, sous sa réprimande à peine déguisée. J’ai les larmes aux yeux, ces larmes que j’empêche régulièrement de couler. Lui aussi a senti quelque chose se briser, il se tait et me regarde, le visage indéchiffrable.
– Je ne sais pas…
Je devine à son air perdu que lui non plus, qu’il ne comprend pas.
Plus de quatre ans après, le douleur est toujours là, lancinante.
– Louarra…
Je me ressaisis.
– Quoi ? Je me suis débrouillée, c’est tout, avec mes moyens. La gare, c’est toujours mieux que les ponts ou les parcs municipaux !
– Je suis responsable de toi !
– Faux ! Elroy t’a demandé de me former, rien de plus. Et maintenant, je suis capable de me débrouiller.
Nous nous dévisageons de longues minutes.
– Tu es la première, lâche-t-il.
– Quoi ?
– Tu es la première que je forme. J’avais toujours refusé.
Je l’ignorais.
– Ça ne te rend pas responsable de moi.
– On a un système de parrainage, tu le sais, c’est pour ça que je suis là.
Je ne dis rien, j’attends la suite.
Ne dépendre de personne. Surtout pas de lui.
Pas plus.
– Il faut absolument qu’on travaille ton vertige, tes mouvement sont totalement aléatoires, je ne comprends toujours pas comment tu as pu arriver en haut de cette tour avec une technique pareille !
Je continue de le regarder sans rien dire, sans rien laisser paraître. Alizur est le second d’Elroy, officieusement du moins. Le vrai second, c’est Falto, mais c’est Alizur, le stratège, qui épaule véritablement Elroy.
– Viens, je vais te montrer le nouveau QG…
Solitude et Indépendance sont mes meilleures amies.
Surtout indépendance.
Souvent rejointes par Gratitude…
Marine