Enora, Menshraï, Mes écrits

Enora E03 – La Maliufinocaé

dessiji, le 24ème jour de sarm
Excileir, île de Neybuf, Archipel de Ney

Cher journal,

Aujourd’hui, c’était le premier jour de la Maliufinocaé, la fête du changement de saison. On quitte le verrip pour rejoindre la shémit. Autrement dit, on quitte la saison un peu froide pour rejoindre la saison très très froide…
L’avantage de la fête de la Maliufinocaé, c’est justement ça : deux jours de festivités partout dans le monde. Cela fait partie des (rares) accords mondiaux entre humains, hinoatts et kérimis, les trois « espèces » que l’on peut considérer comme principales.
J’ai passé cette première journée avec Lucien Magloire, du coup, puisque la tradition est de passer cette journée en famille. Comme nos deux familles sont en Raliomèn, loin de l’Archipel de Ney, nous avons décidé que nous la passerions ensemble.
Nous nous sommes retrouvés vers 10h chez lui, sur l’île de Neybuf. Le bateau a eu du retard et la mer a été agitée : la traversée a été un vrai bonheur…
Son appartement sentait vraiment bon ! Une délicieuse odeur de grillé et de légumes se mêlait à celle du chocolat fondu. Du bonheur !
Comme je ne connaissais pas du tout l’île de Neybuf, il m’a emmené faire un tour de la ville. Les immeubles sont beaucoup plus hauts que ceux de Fujimora, cela tranche avec l’air détendu de Neylis, ça rend l’atmosphère presque un peu oppressante, les rares passants se hâtent, sûrement pressés de rejoindre leur famille pour fêter la Maliufinocaé…
Puis nous sommes retournés chez lui pour le déjeuner.
C’était aussi bon que l’odeur le laissait penser !
J’ai retrouvé le Lucien de mon enfance : taquin, joueur et enjoué. Loin de la version tendue qui m’a rendu visite il y a une dizaine de jours…
Même si parfois une lueur d’inquiétude réapparait dans son regard.

– Tu travailles sur quoi, en ce moment, Enora ?
– Une sorte d’arbre généalogique de la mythologie des hinoatts…
Il éclate de rire en voyant ma tête dépitée.
– C’est incroyablement complexe ! Il y a beaucoup de divinités, des générations, une hiérarchisation, des demi-fratries…
– Demi-fratries ? relève-t-il.
– Des fratries de demi-frères et soeurs… C’est dur à suivre… Bon, et toi, alors ?
– Et bien… C’est génial ! Leur équipement est vraiment meilleur que celui de l’université où j’étais, on voit que l’île est vraiment spécialisée en technologies ! C’est vraiment incroyable ! Je travaille sur un prototype avec un ami, pour l’instant, il n’y a absolument rien qui fonctionne comme on l’a prévu, mais on continue de chercher les solutions et certains composants…
– Et l’île ?
Il me regarde attentivement avant de répondre :
– Quel est le véritable sens de cette question ? me demande-t-il avec un sourire narquois.
– C’est juste que je n’aurais jamais pensé que tu quitterais le Raliomèn…
– Mes parents ont été un peu compliqués à convaincre, c’est vrai… Heureusement que les tiens étaient là pour les rassurer…
– Comment ça ?
– Tu es partie bien plus tôt que moi et ça s’est bien passé, donc ça les a rassuré…
Mes parents ne me l’avaient pas dit. D’un autre côté, on ne se parle plus souvent, depuis que je suis partie de la maison pour aller « à l’autre bout de monde » (de leur point de vue).
– Et du coup, me voilà !

Nous avons parlé tout l’après-midi, après.
Un peu de nos études et projets respectifs, mais surtout de nos souvenirs communs. Lui ne connais pas grand chose en mythologie, et moi, je ne comprends absolument rien aux sciences (et c’est pas faute d’avoir essayé…), donc parler de nos études ressemble beaucoup à un dialogue de sourds…

Ce soir, je dors chez lui.
Demain, je rentrerai à Fujimora pour la deuxième journée de la Maliufinocaé, celle qu’on passe avec ses voisins.


Marine Ginot, 05/2017
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