Louarra, Menshraï, Mes écrits

Louarra E05 – La vie est un éternel recommencement

La vie est un éternel recommencement.
Un recommencement de fuites et de dissimulations…

Le Soleil est en train de se coucher.
Mais pas la ville.
Je vois la foule grouiller en contrebas.
Alizur a tenu sa promesse et m’a effectivement emmené travailler mon escalade. Une leçon dont mes mains se seraient bien passées…

J’offre mon visage aux derniers rayons du Soleil. Ils me réchauffent délicatement, presque tendrement. Les couleurs explosent dans le ciel, rouges, oranges, roses, et violets s’entremêlent presque au hasard, colorent les nuages, transforment l’atmosphère.

C’est beau.
Cela mériterait mieux, comme description, mais je n’ai pas le talent de Malyra avec les mots.
Cela faisait longtemps que je n’avais pas pris le temps de vraiment m’arrêter…

– Tu ne te débrouilles pas si mal.
Alizur vient de casser la magie du moment…
– Merci.
– On redescend ?
Je grimace. La montée a été difficile, la descente promet d’être pire…
Mais il guide mes mouvements avec patience et douceur. Si mes muscles protestent de plus en plus fort, je ne lâche pas et il n’a pas à me rattraper en urgence comme lors de l’une des premières leçons, il y a quatre ans.

Nous finissons par retrouver l’obscurité de la ruelle.
– Je te ramène au QG ?
– Non, je dois retrouver Auréléty sur la place du marché.
– Travail ?
Je secoue la tête.
– Je t’accompagne.
Difficile de refuser, même si cela m’énerve qu’il se sente responsable de moi…
Surtout que nous marchons dans un silence pesant pendant une vingtaine de minutes…

Auréléty m’attend devant l’une de nos échoppes préférées, un marchand de fruits secs et de graines. Il m’accueille avec son sourire chaleureux, celui qu’il réserve à Malyra et moi, celui qui signifie que j’ai encore une famille.
– Au revoir, alors, je dis à Alizur avant d’atteindre Auréléty.
– On se revoit la semaine prochaine ?
– Peut-être.
Il s’éloigne et je rejoins Auréléty. Nous échangeons l’habituelle poignée des mains croisées avant de partir dans les rues commerçantes aux alentours.
Pas de travail, aujourd’hui, malgré la foule qui est encore là et profite de la soirée. Nous nous arrêtons brièvement pour prendre une barquette de smirlarr à partager, un plat à base de boulettes de viande, d’une sauce aux épices et de légumes grillés.
– Ça ne va pas ?
– Si si, bien sûr…
Il s’arrête et me retient.
– Tu es complètement tendue, ne dis pas que tu vas bien. Louarra ?
– Je n’aime pas venir ici, mauvais souvenirs…
Il s’en satisfait, bien que ce soit très en-dessous de la réalité.
– Mange une boulette, ça va te remonter le moral !
Insouciance et bonne humeur, toujours. Auréléty est le soleil de notre trio.
Mais il me faut encore près d’une heure pour véritablement me détendre. Une heure à flâner d’échoppes en échoppes, d’étales en étales, pour le plaisir des yeux et d’être ensemble.

Puis le cri.
– Ellounarâ !!
Cela fait si longtemps que je n’ai pas entendu ce nom.
– Ellounarâ !! Attends !
Une silhouette fend la foule, en tirant une autre par la main.
Je n’ai pas besoin de les voir.
Sa voix me suffit.
Aksërinn et Gyliourê.
Je prends la fuite dans la direction opposée.

La vie est un éternel recommencement.
Un recommencement de fuites et de dissimulations…
Un recommencement d’espoirs déçus et de rêves ruinés.
Un recommencement de sécurité éphémère.


Marine Ginot, 12/2017
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