Précédemment : À nouveau acceptée parmi les siens, Louarra hésite, Ellounarâ se cherche. Son retour soulève de nouvelles questions, aussi bien de sa famille que des bandes. La présence d’Alizur la rassure, lien entre un passé et un futur qui doivent se rencontrer…
Passé et futur s’entremêlent dans une même danse.
Les rires tournoient, guidés par la joie.
Je me suis éclipsée presque discrètement pour aller voir Auréléty, Malyra, Ëzil, Xijo et Hévityä. Alizur est sur mes talons. Malgré l’hostilité manifeste de ma mère, il a refusé de me laisser seule.
Sauf pendant une paire d’heures où il a arpenté la ville pour leur donner les détails du rendez-vous.
– Alors comme ça, tu es bel et bien Ellounarâ, la comtesse de Hudrix, lâche Xijo.
Cela semble l’amuser. À l’inverse d’Auréléty et Malyra.
Je les regarde en silence. Je n’aime pas dire au revoir.
– Tu t’en vas ? demande Auréléty.
– Je ne vais pas très loin. Juste la ville haute.
– Si tu étais partie dans un autre pays, cela m’aurait semblé moins loin…
D’une certaine manière, il n’a pas tord. Sauf qu’il ne sait pas tout.
– J’ai une proposition à vous faire. De mes parents. Tous ceux qui le souhaitent sont invités à venir vivre chez nous. C’est… leur manière de vous remercier de m’avoir protéger.
Même moi j’ai conscience de ce que cette proposition peut avoir de gênant. D’ailleurs, je le vois sur leur visage.
– J’ai déjà une maison, répond Xijo en premier. Par contre, je ne suis pas contre une récompense…
Il a dit cela avec tant d’humour que l’atmosphère se détend immédiatement.
– Je suis d’accord avec lui, dit Hévityä. Je n’appartiens pas à ce monde de paillettes.
– Tu préfères la boue ? se moque Xijo.
– Nous, c’est oui, sourit Auréléty sans laisser à Hévityä le temps de répondre. Ce sera l’occasion de jouer devant un public qui ne sert pas de pigeons à détrousser…
Malyra hoche la tête avec un sourire timide. Ils n’ont jamais été faits pour ça, ils voulaient jouer et offrir de la musique à tout le monde et ils se sont retrouvés dans une bande de voleurs et de vagabonds.
Ëzil me sonde. Son visage n’exprime rien, mais ses yeux brillent d’une rage que je ne comprends pas.
– Qu’est-ce que tu vas faire ? je lui demande.
– Reprendre ma route. Je ne fais pas partie de ton monde.
Je m’y attendais, mais son choix me déchire.
– Ils organisent une soirée pour mon… ma… résurrection… Vous devriez venir.
Les mêmes acceptent et les mêmes refusent.
– Tu devras venir nous voir, me chuchote Hévityä avant de partir avec Xijo.
Ëzil s’éloigne également sans dire un mot. Je le rattrape et lui tends l’un des laissez-passer que m’ont donné mes parents.
– Si jamais tu changes d’avis…
– Tu aurais dû prendre la fuite, Louarra. Je t’aurais protégé. Mais ce monde-là…
Il secoue la tête et part sans finir sa phrase.
Mais il a pris le bracelet.
Je retourne vers Auréléty, Malyra et Alizur et nous nous mettons en chemin.
– C’est la première fois que j’entre dans la ville haute.
Auréléty a l’air si émerveillé que je ne peux m’empêcher de rire. Nous faisons quelques détours pour visiter davantage le quartier.
Dès que nous pénétrons dans la maison, nous sommes séparés. L’air complètement dépassé d’Auréléty et Malyra me confirme qu’ils n’ont ni l’habitude d’une telle richesse, ni celle qu’on s’occupe d’eux.
Nous sommes chacun entrainés vers des chambres différentes.
Je retrouve ma chambre d’avant. Rien n’a changé.
Ce soir, il y a un bal. Cette perspective me terrifie et me ravit. Je sors l’une de mes robes du placard et commence à me préparer.
Bien plus tard, la musique m’entraine irrésistiblement. Gyliourê me guide avec adresse et douceur. Auréléty et Malyra restent à l’écart, à proximité des musiciens. Alizur est invisible.
Malgré l’atmosphère joyeuse, je me sens triste. Auréléty et Malyra sont mal-à-l’aise et Alizur ne parvient pas à dissimuler son envie de partir.
Et j’ai peur.
Vileirö a juré de me tuer et maintenant, il sait où me trouver.
Je profite d’une brève pause de musique pour rejoindre le balcon. Au début de la soirée, tout le monde venait me voir, c’est mon premier moment de calme depuis que la fête a commencé.
– Déjà fatiguée ?
Alizur vient de surgir à mes côtés.
– Je commençais à croire que tu étais parti.
Je regarde rapidement autour de moi. Tout comme lui.
– Il ne t’arrivera rien, Louarra…
– Ellounarâ.
Cela me fait bizarre de revendiquer ce nom.
– Je dois y aller. J’ai des choses à régler.
– Je croyais que tu restais.
– Je me suis déjà arrangé avec tes parents.
– Je croyais que tu comptais rester.
J’ai l’impression de perdre pied.
– Auréléty et Malyra seront là. Tout comme tes amis d’avant. Tu n’as plus besoin d’un voleur.
Il saute et disparait dans la nuit.
C’est fini.
Pourtant, je croyais que…
Je me laisse glisser au sol.
– Je croyais que c’était une fête…
– Ëzil ?
Je relève la tête.
– Alizur est parti.
– Je vous ai entendu. Ce n’est pas son monde non plus. Et il a raison, tu n’as plus besoin d’un voleur.
– Vileirö…
– …ne te fera rien. Ne t’inquiète pas.
– Tu as changé d’avis ?
– Pas vraiment. J’écoute mon coeur. Et toi ?
Toutes seules, nos lèvres se trouvent. Le reste disparait.
Passé et futur s’entremêlent dans une même danse.
Les rires tournoient, guidés par la joie.
Je sens la peur qui rôde, tapie dans un coin.
Mais les sourires de mes amis l’empêchent de s’approcher.
Marine Ginot, 06/2018
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Nice blog
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