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đŸŒŠâœ’ïžâŽœ RĂ©sultats AT – Coups de vent en mer

Bonjour Ă  tous,

Le jour s’éveille, le vent se lĂšve, et les rĂ©sultats de l’AT tombent ! 

En octobre dernier, Marathon Éditions (site) m’a proposĂ© de co-organiser un appel Ă  texte sur le thĂšme « Coups de vent en mer Â». Nous avons reçu de nombreuses propositions et je remercie vivement les auteurs qui ont participĂ© !
AprĂšs lectures et dĂ©libĂ©rations, dans l’enthousiasme et la douleur, nous avons choisis les 15 textes qui composeront le recueil. Entrainants, marquants, touchants, ils proposent une diversitĂ© d’intrigues, de tons et de genres (SF, fantasy, fantastique et une touche de merveilleux).
Pour les impatients, une liste se trouve en fin d’article, pour les curieux, je vous invite Ă  la dĂ©couvrir progressivement, au fil d’un petit texte-dĂ©fi.
Nota : les titres sont mentionnés indépendamment du contenu de leur intrigue.


29 février.
Un jour rare commence, prĂ©cieux. NĂ© des heures nĂ©gligĂ©es, il rattrape le temps perdu. Je l’observe s’Ă©veiller dans une eau apaisĂ©e. Les couleurs Ă©clatent dans le ciel, se reflĂštent dans les lĂ©gĂšres vagues, s’échouent dans mes yeux.
À l’aube, la plage est encore ensommeillĂ©e, hĂ©sitante, comme si le jour hĂ©sitait Ă  se lever, si proche du crĂ©puscule. L’aube, un instant, une ambiance, un lieu hors du temps, lĂ  oĂč le temps fait demi-tour.
BientĂŽt, je me lĂšverai, la journĂ©e commencera, je partirai. Mais pas tout de suite. Je n’ai pas envie de penser Ă  la traversĂ©e du lac qui m’attend, au vent, au roulis. Jour 77 depuis mon installation et mon estomac refuse obstinĂ©ment de s’habituer Ă  la petite navette que j’emprunte presque quotidiennement. Dans le lointain, je devine une voile blanche, d’humbles pĂȘcheurs plus matinaux que moi sont dĂ©jĂ  au travail.
Je saisis mon courage et me lĂšve. Notre village est calme, pour ne pas dire morne. Des maisons multicolores alternent avec roches et verdures, comme une mosaĂŻque de couleurs douces, de courbes et d’élans. Un paysage innocent, idĂ©al

77 jours que j’ai quittĂ© la ville et sa foule pour l’eau et le silence. Je respire.

Je prends le bateau sans conviction. La ligne 19-38K fait le tour du lac et rallie l’ülot central. LucifĂ©rine me salue rapidement avant de retourner Ă  son poste. Tout est calme. Ce ne sera pas une traversĂ©e mouvementĂ©e. Tant mieux. Je n’ai pas besoin d’un coup de vent pour me sentir mal


C’est la premiĂšre fois que je m’arrĂȘte sur l’ülot inhabitĂ©. Lorsque j’ai quittĂ© le bateau, on m’a regardĂ© Ă©trangement. J’ai entendu parlĂ© des lĂ©gendes qui l’entourent, mais je n’y crois pas, pas vraiment
 « N’y vas pas Â», « L’üle est maudite Â», « Qui sĂšme le vent rĂ©colte la tempĂȘte Â» et d’autres platitudes superstitieuses. La curiositĂ© a Ă©tĂ© le plus forte, je viens voir et peindre cet environnement mystĂ©rieux.
Des arbres immenses, grandioses, m’entourent, bruissant dans le vent lĂ©ger. Je soupire. L’üle semble me tendre ses bras de verdure et je cĂšde Ă  son appel. Pas aprĂšs pas, je dĂ©couvre ses nuances de vert et d’ombre. Pas aprĂšs pas, l’air se transforme, s’éclaircit, joue dans les rayons de lumiĂšres qui perce les feuillages. Un murmure soufflĂ© par le vent m’interpelle, comme une berceuse.
Conquise, je suis la mĂ©lodie jusqu’à une clairiĂšre Ă©tonnamment sombre, jusqu’au saule pleureur qui trĂŽne au centre. Son tronc semble en partie fait de planches. Dans l’atmosphĂšre confinĂ©e du feuillage dense, la mĂ©lodie est plus entĂȘtante, sĂ©duisante. Je fais le tour du tronc, lentement, en cherchant l’origine du son. Dans un recoin, il y a une inscription gravĂ©e, vieille, La Marie-Joseph se souvint de l’ombre du chant du saule, leur bonheur est retournĂ© dans les tĂ©nĂšbres. Je ne comprends pas. En-dessous de la phrase, un M et un J entourĂ©s d’un coeur sont dĂ©licatement entrelacĂ©s.
Un bruissement coupe mes pensĂ©es, je me retourne. Un papillon se fraie un chemin Ă  travers les feuilles, un deuxiĂšme, puis d’autres encore. Je les reconnais. Que font-ils lĂ  ? Les papillons de Nonomi sont attirĂ©s par les larmes et la dĂ©tresse. Ils m’entourent, l’un d’eux se pose mĂȘme sur ma main tendue. Si beaux et si fragiles. Magiques.
Je voudrais sortir mes crayons pour immortaliser leur danse mais je n’ose pas bouger. Mes yeux se gorgent de la beautĂ© de l’instant et des larmes roulent sur mes joues. Les papillons se prĂ©cipitent pour les aspirer et je sens une pointe de nostalgie m’envahir. Un frisson de mĂ©lancolie me secoue. Je ferme les yeux et m’offre Ă  la caresse des avaleurs de larmes.

– ArrĂȘtez ça ! Partez ! Mademoiselle ! Non !
Les papillons s’éparpillent et mes yeux s’ouvrent sur un visage Ă©tonnant. Je recule vivement, surprise, effrayĂ©e. Ce que j’ai pris pour un jeune homme se rĂ©vĂšle ĂȘtre une crĂ©ature Ă©trange, une peau bleutĂ©e, un Ă©trange visage d’homme, des bras de nageoires, des jambes au pieds palmĂ©s. Je voudrais fuir. Je suis tĂ©tanisĂ©e.
– Les papillons allaient vous dĂ©vorer l’ñme. Je suis dĂ©solĂ©.
Le noir.

La suite est floue, teintĂ©e de gris et des larmes perdues. Il a attendu la navette avec moi, Ă  moitiĂ© immergĂ© dans l’eau de la petite crique. Je me suis blottie dans le canapĂ© avec une tasse chaude. La tristesse est restĂ©e.

1 mars.
Maintenant, je sais que chaque merveille abrite une touche de noirceur, Ă  inversement.
Le ciel Ă©touffe ma bonne humeur. Il n’y a plus rien Ă  voir, plus de traces ni de larmes, seulement une tristesse insondable qui creuse son chemin dans mon coeur et menace de m’engloutir. C’est mon ultime sanction : sombrer peu Ă  peu.
No mercy. Pas de pitié.
Et le prince des vagues murmure dans le vent. Tu remonteras vers la lumiĂšre.


Félicitations aux lauréats !

À bientît,
Marine

Et voici la liste dans l’ordre alphabĂ©tique :
D’humbles pĂȘcheurs – Karis Demos
Jour 77 – Mathilde Vanderbecken
La ligne 19-38K – Pauline Malay
La Marie-Joseph – Jean-Marc Sire
LĂ  oĂč le temps fait demi-tour – Augustin Extier
La traversĂ©e – Laurine Bertrand
Le prince des vagues – Martin Niementowski
Les papillons de Nonomi – Bernard Weiss
LucifĂ©rine – Elie Bouet
Mosaïque – Estelle Raffy
No Mercy – Christian Perrot
Sùme le vent – R. Senelier
Tu remonteras – OphĂ©lie Hervet
Ultime sanction – Marie Anjoy
Une traversĂ©e mouvementĂ©e – Marie Piroth