La dernière vision de Maä - Laurent Salipante - Imagin'encre
Chroniques, Littératures de l'imaginaire

📚⎜ La dernière vision de Maä – L. Salipante

Bonjour à tous,

J’ai poursuivi mon exploration du catalogue de Marathon Éditions avec La dernière vision de Maä et je remercie l’éditrice de m’en avoir proposé la lecture.
Une lecture un peu en demi-teinte, sombre, intrigante, entre espoir et résignation, qui évoque la construction de soi et du monde.

Titre : La dernière vision de Maä
Plume : Laurent Salipante
Édition : Marathon Éditions (clic)
Pinceau de couverture : Chez CLM – Leila Bouslama (clic) 

Résumé
Depuis quelques temps, le doute s’infiltre dans les pensées d’Anzy. Un doute terrible, renforcé par les paroles des amis et les convictions vacillantes des adultes. Anzy doute de Maä, de leur errance, de ce qu’on lui a dit. Alors, pour rassurer son fils, Edena lui raconte à nouveau, comme quand il était petit, l’histoire de Maä, celle qui est née du corps d’une femme et a changé le destin de l’humanité…

❝ Varu avait été celui que je préférais quand j’étais petite, avant qu’il ne porte la barbe. Bien que je sois née du ventre d’une femme, il se montrait toujours bienveillant avec moi, et n’évoquait jamais ma différence. Je me souviens qu’il m’emmenait en promenade sur son cheval et qu’il me racontait des histoires, le soir, à la lueur des bougies. C’était quelqu’un de bien, Varu. Puis l’âge adulte était venu et j’avais senti ses sentiments progressivement changer, passer de l’innocence à la méfiance, de l’amour à la haine. Le Varu que j’avais admiré n’existait plus. Maintenant, il buvait et frappait comme Mika, et comme notre père. Il avait appris de notre grand frère comme se comporter en véritable homme dans le Moab. […]
Mon frère se tenait droit, très fier, et promenait son regard autour de lui en levant la chose au-dessus de sa tête comme un sceptre redoutable. Ses yeux s’arrêtèrent sur moi, se plissèrent, d’un air de dire que c’était lui le chef maintenant qu’il détenait cet étrange instrument. ❞

Mon avis
Globalement, une lecture en demi-teinte. L’univers est très sombre, presque oppressant, mais il s’incarne avec force au fil des pages, au fur et à mesure du cheminement de Maä, et la narration pousse en avant, sur les traces de cette jeune fille à la naissance si particulière.

La foi en Maä guide Anzy, ses parents et leurs proches, guide leur errance, influe sur leur vie, dessine leur société, raconte leurs origines…
Maä voit le jour dans un univers sombre, dur, sourd aux autres. Les rats pullulent,  les mi-hommes sont réduits en esclavage, les hommes dominent les femmes et les Seigneurs du Domaine les dominent tous. L’atmosphère est très particulière, parfois oppressante, avec une peur et une violence omniprésentes renforcées par les attaques du Tantacle contre l’humanité, et notamment contre la grande ville.
Cette noirceur du monde et des personnages (à quelques exceptions près), m’a tantôt intriguée et entrainée, tantôt rebutée, notamment quand la violence envers les mi-hommes et Maä, personnages considérés comme inférieurs, est d’une cruauté extrême. Néanmoins, l’amorce par Edena et l’envie de comprendre cet environnement et de faire le lien avec la situation d’Anzy m’ont conduite à poursuivre ma lecture.

Dans cet univers où chacun nait de Maman, Maä est une fille naturelle, née du ventre d’une femme, ce qui en fait déjà une étrangeté à la limite de l’anomalie. À cela s’ajoute un don unique : son extraordinaire empathie, sa capacité à ressentir les émotions et revivre les souvenirs de ceux qui l’entourent. Sa sensibilité prend de l’ampleur au fil des pages, lui permettant progressivement de comprendre ce monde qui l’a vu naître et ce qu’abrite le coeur des hommes. Peu à peu, à travers son regard, ce monde cruel gagne une âme, une flamme d’espoir, terriblement proche des ténèbres de la haine et du mépris, et les épreuves font grandir Maä et évoluer sa perception des choses.
Douleur, naïveté, cruauté, fraîcheur, confiance, foi, violence, mépris, résignation et haine prennent coeur dans les personnages qui l’entourent. Violents, impitoyables, cruels, doux, affectueux, adjuvants, individuel ou foule anonyme, ils s’incarnent, agissent, bafouent, guident, violentent, aident, trahissent. Inégalement subtils, ils témoignent d’une humanité qui a perdu le sens de la violence, guidé par un instinct de domination et une volonté de puissance.

La plume est fluide, immergée dans le point de vue de Maä, ce qui permet à la fois de comprendre son évolution et son rapport à la « normalité » de son monde.
Étant personnellement souvent moins facilement entrainée par les narrations à la première personne, j’ai eu initialement un peu de mal à entrer dans le récit de cette jeune fille. Mais peu à peu, l’envie de savoir la suite, l’espoir que la noirceur ne domine pas complètement et l’envie de comprendre la jonction avec la situation d’Anzy m’ont entrainée, d’épreuves en découvertes, jusqu’à la révélation finale.

Le mot de la fin
Il m’a fallu plusieurs chapitres avant de pénétrer dans cette histoire, un peu trop de violente noirceur et d’omniprésente cruauté à mon goût. Je me suis laissée entrainée sur le chemin du possible, même si cette lecture reste en demi-teintes.
L’univers proposé par Laurent Salipante est fort, marqué, marquant, en nuances de sombre sur les traces d’un possible éclat d’espoir. Au fil des pages et des épreuves, Maä grandit et ouvre d’autres yeux sur ce monde qui l’a vu naître. Son cheminement interroge le monde et explore un autre possible, redonnant un sens à l’errance de ceux qui croit en elle.

À bientôt,
Marine

Image réalisée avec Canva.

Ce livre émane d'un SP

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