primi, le 12ème jour d’ima
Quelque part en mer
Cher journal,
Toute cette mer à perte de vue dans toutes les directions !
J’ai encore du mal à m’y habituer…
Le roulis, ça va mieux à présent. Contrairement au bibliothécaire : le pauvre n’arrive pas à quitter sa couchette. Visiblement, le monde tangue et son estomac n’apprécie pas du tout… Je comprends mieux sa tête d’enterrement quand la Conservatrice lui a annoncé qu’il accompagnerait l’émissaire assermentée…
Pour ma part, j’ai trouvé le début du voyage difficile, mais maintenant, je peux véritablement profiter du voyage et des paysages.
À mes yeux, c’est plutôt monotone, mais l’un des marins a passé un certains temps hier après-midi à m’expliquer les nuances de la mer et ce qu’il y lit. C’était fascinant !
Mais ça ne m’a pas suffit pour y voir plus de choses…
Je regarde l’animation sur le pont, la chorégraphie des marins. Je commence un peu à saisir le vocabulaire qu’ils emploient. Pas au point de pouvoir les aider, mais suffisamment pour savoir si je risque de les gêner.
Je ferme les yeux et offre mon visage à l’air marin.
Une ombre me prive soudain de la lumière.
Zilhostynaé se tient devant moi.
– Tu aimes la mer ? me demande-t-elle dans un souffle.
– Je la découvre.
– Je t’ai vu avec le marin, hier. Il a un rapport intéressant à l’eau.
– C’était vraiment magnifique !
Elle a l’air sceptique.
– Il n’a pas encore saisi l’essence de l’Eau, dit-elle simplement. La mer a une énergie vitale qui lui est propre, quelque part entre la douceur et la puissance, entre la vie et la mort.
– Et comment le sais-tu ?
Son air supérieur m’agace. Le marin était habité par un amour communicatif pour la mer, il m’a fait visité le monde et les profondeurs grâce à ses histoires. Zilhostynaé est en train de détruire cela.
– Les Mouvants de Virlin le savent et m’ont raconté.
Le peuple de l’Eau a certainement un rapport privilégié à la mer, mais ce n’est pas une raison pour dire que le marin ne sait pas de quoi il parle.
Je ferme les yeux. Je savourais la mer et elle m’a brisé le plaisir.
– Je découvre l’eau à ma façon, lui dis-je pour couper court à la conversation.
La lumière revient sur mon visage, j’en déduis qu’elle s’est éloignée.
– Bien dit, Enora !
J’ouvre les yeux en retenant un soupir. Le calme de la solitude me tend les bras avec de plus en plus d’insistance…
Un sourire dépasse ma pensée dès que je reconnais celui qui vient de parler : le jeune marin d’hier se tient devant moi.
– Elle nous tourne autour depuis le départ en nous disant qu’on a tout faux dans notre rapport à la mer. Ça devenait lassant, à force…
– J’imagine. J’ai beaucoup aimé ta façon de parler de l’eau, hier.
Il hoche la tête.
– Profite du calme, ça ne va pas durer, dit-il en s’éloignant.
Je cherche son nom un court instant, mais je ne le retrouve pas.
Je laisse l’atmosphère de la mer m’entourer et je me perds dans mes pensées.
Marine Ginot, 06/2018
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